mercredi 24 avril 2024

A Actualité politique

Aircalin ou Air DĂ©clin ?

S’il y a bien une organisation qualifiée pour parler d’Aircalin, c’est sans conteste l’USTKE et son président-fondateur.

Au moment ou la Calédonie doit définir sa stratégie en matière de desserte aérienne, JM Tjibaou et Bill Ravel décident de contrer l’hégémonie du transport dominant en créant Air Calédonie International en 1983. 

Appuyée par l’USTKE qui dans sa vision d’émancipation d’un pays en devenir approuve cette nécessité. En effet la Nouvelle Calédonie doit se doter de sa propre compagnie aérienne afin d’asseoir un développement touristique et des dessertes aériennes pérennes avec l’extérieur. 

Quel outrage à l’époque où toute la classe loyaliste, RPCR en tête s’insurge contre ce projet jugé inacceptable. Quel intérêt de créer une compagnie calédonienne qui de surcroît sera aux mains des indépendantistes et de voir le pays se doter d’un outil qui s’inscrit dans une volonté politique.

L’USTKE se mobilise dans les années 85-90 et manifeste dans les rues de Nouméa pour empêcher la disparition programmée d’ACI par le RPCR.

Et pourtant, à ce moment, toutes les troupes du syndicat travaillent à UTA, compagnie aérienne monopolistique qui sera plus tard remplacé par Air France.

Pourquoi, alors que les conditions salariales et sociales de l’époque sont plus que satisfaisantes, les salariés défient ouvertement le monopole d’UTA et soutiennent la compagnie locale. C’est la seule organisation qui prend une position claire.

Simplement parce-qu’elle sait que tôt ou tard les compagnies aériennes qui cherchent à rentabiliser leurs lignes viendront à fermer leurs bases. Sans se soucier du développement du pays. Et cela a été le cas pour Air France. C’était prévisible.

Il était donc logique pour l’USTKE de prendre position et ainsi défendre un outil qui serait maîtrisé par la Calédonie, pour la Calédonie, en fonction des choix économiques les mieux profitables pour sa compagnie et son développement futur.

Dans le même temps la concurrence est alors arrivée avec Corsair et AOM. Les prix ont chuté, et on a vu des billets Nouméa-Paris-Nouméa à 99.000 F. 

La compagnie nationale Air France qui reprend UTA au début des années 90, s’aligne et bien évidemment compte tenu de ses coûts structurels supporte tant bien que mal cette concurrence, d’autant que le marché lui ne bouge pas. Il faut donc se partager à trois le même gâteau. 

Air France fait face car sa voilure lui permet de contenir les pertes d’exploitation et au bout du compte, ce sont AOM et Corsair qui sont obligés de lâcher le Caillou car elles aussi, du fait de leur taille critique, ne peuvent maîtriser les coûts d’exploitation énormes liés à la distance. 

Résultat : Air France revient en force avec une remontée des tarifs au niveau qui prévalait avant la concurrence. 

Les Calédoniens n’ont pas d’autre choix que de passer à la caisse pour sortir du Territoire.

Peu à peu, Air France se retrouve dans une situation financière délicate. Elle doit se restructurer en interne pour combler ses énormes déficits. Air France gèle les salaires de tout le groupe pendant 5 ans et redéfinit sa stratégie aérienne en fermant les escales qu’elle estime peu rentables. 

Air France prépare déjà son retrait de la Nouvelle Calédonie. D’abord l’escale de Tontouta, (fret, enregistrement, hôtellerie) et ensuite le personnel navigant. Seule subsiste aujourd’hui l’agence avec une vingtaine d’agents sur les 400 que comptait la compagnie.

Cette situation, l’USTKE l’avait anticipée depuis bien longtemps.  Elle négocie avec Air France afin que les salariés ne soient pas lésés et continuent leur activité.

Le personnel au sol avec l’appui de l’USTKE crée une structure, la TAS, en devenant actionnaire de cette nouvelle société d’assistance aéroportuaire. Les autres personnels, les navigants se revoient reclassés chez ACI ou transférés à Paris selon leur choix.

On voit bien qu’à cette époque on ne peut garantir la pérennité de la desserte avec des compagnies qui selon la conjoncture décident de fermer les lignes qu’elles jugent déficitaires.

Air France logiquement transfère son déficit chez ACI avec qui elle passe un accord de coopération (code share, flying blue, etc..) et la boucle est bouclée.

Et voilà comment Air France s’est débarrassée en douceur d’un fardeau bien encombrant.

ACI se dote de deux A330 en 2003 pour remplacer les avions d’Air France et opère en long courrier sur le Japon uniquement. La ligne Tokyo-Paris elle, n’est pas transférable, ni même discutable car juteuse pour Air France.

Là encore, les responsables politiques de l’époque ne jugent pas utile d’exiger que la compagnie calédonienne récupère ce tronçon qui pourrait lui ramener des recettes et ainsi équilibrer les pertes du Nouméa-Tokyo.

Air France et l'État français ne vont certainement pas offrir à la Calédonie une ligne qui dégage de grosses recettes.

Alors ACI se tourne vers une nouvelle destination et ouvre en juin 2008 la ligne Nouméa-Séoul avec  deux rotations par semaine, en supprimant une rotation Tokyo. Cette nouvelle destination ne fait l’objet d’aucune étude de marché sur le potentiel touristique Coréen. On spécule sur un hypothétique marché supposé porteur. L’avenir nous dira finalement que très peu de Coréens ont foulé le sol Calédonien. Les tours opérateurs du pays du matin calme n’ont même pas répertorié la Calédonie dans leurs dépliants. 

Le but n’est pas là en fait, il s’agit tout simplement d’offrir plus de correspondances sur Paris pour une meilleure fluidité vers et en provenance de la Métropole.

Et c’est tout naturellement qu’ACI annonce la fermeture de Séoul la semaine dernière car la ligne est ultra déficitaire. Elle l’a toujours été. Ce n’est pas faute d’avoir alerté les personnes concernées.

Pourquoi avoir attendu si longtemps ? 

Face à cette déconvenue financière, ACI positionne une rotation supplémentaire sur Tokyo avec de nouveaux horaires pour assurer de meilleures correspondances sur l’Europe et permettre selon un argument exprimé notamment par la présidente de la Province Sud, de mieux capter les niches touristiques métropolitaines afin de remplir les hôtels du pays.

Et ainsi on continue à vouloir nous faire croire au Père Noël !

On s’est très bien que le touriste métro ne mettra jamais les pieds en Calédonie car le rapport prix/prestation du voyage est l’un des plus chers de la planète. 

C’est bien d’une immigration intentionnelle qu’il faut parler, ici.

La vérité, c’est qu’en fait on met à disposition plus de créneaux afin de rendre la Calédonie encore plus accessible qu’elle ne l’a jamais été.

L’état de la France est tel qu’aujourd’hui l’exode vers l’extérieur de l’hexagone est devenu un impératif pour ses compatriotes. La Calédonie est un eldorado. Tout comme l’Australie et la NZ.

Il n’y a qu’à voir le nombre impressionnant de français travaillant avec un ‘working holiday’ visa en Australie et en NZ, espérant à terme s’installer. Sauf que là, c’est un peu plus compliqué pour obtenir la résidence permanente car ces deux pays contrôlent leur immigration. 

En Calédonie, c’est tout le contraire. Notre île représente une terre d’accueil complètement ouverte pour tous les ressortissants français, qu’ils soient métros, wallisiens ou tahitiens, réunionnais et autres antillais.

C’est d’ailleurs aussi pour cela que la citoyenneté calédonienne pour protéger et promouvoir l’emploi local n’a pas été juridiquement définie.

L’organisation de la politique d’immigration voulue par l’ensemble du clan loyaliste et la France est bel et bien en place pour les décennies à venir et l’objectif à terme est de rendre les kanak et caldoches encore plus  minoritaires dans leur propre pays.

Tout le monde sait que des réseaux très bien organisés se sont constitués pour faciliter l’implantation de ces ‘nouveaux colons’ sur le Territoire. Avec d’énormes facilités. (banque, logement, travail)

Alors dans ce contexte qu’on arrête de nous faire croire que la Nouvelle Calédonie cherche à développer sa compagnie et son tourisme.

Si telle était sa volonté, pourquoi ne pas prospecter de nouvelles niches, bien plus prometteuses en terme de retombées comme par exemple la Chine qui possède un marché gigantesque, intarissable. 

Toutes les compagnies aériennes du monde ont des rotations sur la Chine. L’avenir économique de la planète se joue là et nous, on passe à côté. 

C’est à n’y rien comprendre. 

Et pour finir, nous avons encore une question à traiter.

L’ouverture de la ligne Melbourne.

Annoncée en grande pompe par les dirigeants d’ACI, cette ligne déjà opérée par UTA et  ACI par le passé a été arrêtée au bout de quelques mois faute de touristes.

Autre élément qui nous fait dire que cette ligne ne sera jamais rentable. Tout simplement par ce que le Calédonien a toujours privilégié La Gold Coast ou Sydney et non Melbourne et ce depuis toujours. 

C’est une question affective, point. De plus la distance de ces deux destinations est courte alors que Melbourne est à 4h00 de vol de Nouméa. C’est comme ça.

Nous allons donc nous perdre encore de l’argent et au bout d’une saison, voire deux, ACI fermera la ligne. C’est inéluctable.

Et quand les déficits se creuseront, le Congrès votera à nouveau les subventions nécessaires pour la survie de la compagnie.

Il est grand temps de tourner la page du bricolage irresponsable dans ce domaine.

Pierre Chauvat, ancien vice-président de l'USTKE



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