vendredi 29 mars 2024

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Quid du harcèlement moral en Nouvelle-Calédonie i

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 D’emblée il est nécessaire d’attirer l’attention sur le fait que l’arsenal législatif de lutte contre le harcèlement moral qui existe en Métropole n’est pas applicable sur le Territoire !
Le Code du Travail métropolitain prévoit en effet dans son article L 122-49 introduit en 2002 qu’ «Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte a ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel
Le Code Pénal métropolitain prévoit également dans son article 222-33-2 que «Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte a ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende


 En Nouvelle-Calédonie c’est le grand vide des textes.
En attendant que le Congrès prennent des dispositions pour reconnaître et sanctionner le harcèlement moral (ce qui est urgent et indispensable), il est important de caractériser ce qu’est un harcèlement moral (1), de savoir comment le prouver (2), quels sont les recours a ce jour et en Nouvelle-Calédonie a la disposition du salarié qui est victime (3) et quel peut être le rôle des représentants du personnel en la matière (4).


 1. Quand y-a-t-il harcèlement moral i


Même si aucun texte local ne traite du harcèlement, une définition par analogie avec la Métropole peut être avancée.
Le terme de harcèlement moral a une signification forte. Il convient de l’utiliser a juste titre.
Le conflit d’intérêts naturels entre l’employeur et le salarié, des conditions de travail difficiles ou stressantes une incompatibilité d’humeur entre deux personnes ou le fait de ne pas aimer son travail ne constituent pas pour autant une situation qui s’apparente au harcèlement moral.
Par contre, un acharnement répété dirigé personnellement contre un salarié ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail au point de porter atteinte a ses droits a sa dignité ou a sa santé physique ou mentale constitue du harcèlement moral.
Le harcèlement moral s’inscrit dans la durée et peut se manifester par une mise a l’écart, des critiques ou des railleries répétées des mesures vexatoires ou d’intimidation, un langage fréquemment insultant, des conditions de travail humiliantes un dénigrement systématique du travail réalisé, l’imposition de nombreuses tâches subalternes sans lien avec la qualification…
Le harcèlement moral peut aussi se traduire par des sanctions disciplinaires des sanctions déguisées voire un licenciement.
Cette description n’est pas exhaustive puisque le harcèlement moral prend des formes variées.


Il importe de distinguer le harcèlement moral de la discrimination qui suppose une différence de traitement en raison de son origine, de son sexe, de son ethnie, de sa race ou de ses activités syndicales qui fait l’objet de dispositions spécifiques même si le harcèlement moral dont est victime un salarié peut être également lié a une volonté de discrimination.


 2. Comment prouver les faits i


Le salarié victime de harcèlement moral doit le prouver.
A cet égard, des témoignages ou attestations de collègues corroborant sa version des faits des courriers des notes de service, des échanges de mails des certificats médicaux…ou tout document en rapport avec le fait du harcèlement qui doit être répété seront indispensables.


 3. De quels recours disposent la victime i


L’inexistence du harcèlement moral dans les textes locaux rend les recours difficiles.
Actuellement quelques dispositions du Droit du Travail, quelques règles de Droit Civil ou Pénal pourraient permettre d’agir.
La victime dispose de plusieurs types d’actions.


Dans l’entreprise le salarié concerné doit informer les délégués du personnel de la situation, son délégué syndical, sa centrale syndicale ou encore le médecin du travail.
Le chef d’entreprise doit également être avisé de la situation. Rappelons qu’il lui incombe en sa qualité d’employeur d’assurer la protection de la santé des salariés.


Au niveau judiciaire le Tribunal du Travail ne sera pas a priori compétent sauf en cas de mesure, sanction ou licenciement qui serait en fait motivé une volonté de mise a l’écart injustifiée du salarié concerné.
Mais alors l’action sera engagée contre l’entreprise en visant le chef d’entreprise éventuellement a l’origine du harcèlement.
En aucun cas un simple collègue ou un supérieur ne pourra être traduit a titre personnel devant le Tribunal du Travail. Il faudra dans ce cas saisir plutôt le Tribunal de Première Instance.
En effet,  une action en dommages et intérêts contre le harceleur devant le Tribunal de Première Instance devra être fondée compte tenu des textes sur l’atteinte a la dignité de la personne humaine et a la vie privée qui résulte des faits de harcèlement qu’il faudra prouver.
Si malheureusement la victime a mis un terme a ses jours le Tribunal Correctionnel pourra être saisi sur le fondement de l’incitation au suicide.


C’est en l’état actuel des textes les seules actions possibles en attendant que le harcèlement moral apparaisse clairement dans les textes relatifs au Droit du Travail en Nouvelle-Calédonie.
L’impunité actuelle du harcèlement moral sur le Territoire peut favoriser son développement…


Enfin le salarié doit être prudent car le fait d’accuser a tord quelqu’un de harcèlement notamment moral peut l’exposer a des poursuites pour dénonciation calomnieuses.



4. Le rôle des représentants du personnel en matière de harcèlement moral.


Dans le cadre de leur mission de présentation des réclamations individuelles et collectives les délégués du personnel (D.P. obligatoires au dela de 11 salariés dans l’entreprise) peuvent alerter et questionner le Chef d’entreprise sur une dégradation des conditions de travail d’un salarié.


Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (C.H.S.C.T. obligatoire si les effectifs de l’entreprise dépassent 50 salariés) a pour mission générale de veiller a la protection de la santé physique et mentale des salariés.
A ce titre, il peut proposer des actions en matière de prévention du harcèlement moral.


Le délégué syndical peut très bien inclure dans ses discussions et dans le cadre de la conclusion d’un accord d’entreprise la prévention du harcèlement.


Le Comité d’Entreprise (lui aussi obligatoire au-dela de 50 salariés dans l’entreprise) est consulté sur le règlement intérieur de l’entreprise (en l’absence de C.E. cette mission revient aux délégués du personnel). A cette occasion il est souhaitable que le C.E. ou les D.P. proposent l’introduction d’une clause interdisant et réprimant le harcèlement dans le règlement intérieur.



 Il est urgent de légiférer sur le harcèlement moral. Le Conseil Economique et Social a planché sur le sujet fin 2003, le gouvernement précédent s’était saisi du dossier.
Gageons malheureusement qu’il va falloir encore être patient. En attendant, il importe que chaque salarié se défende avec « les moyens du bord » décrits précédemment.


- Un prochain dossier traitera du harcèlement sexuel -


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