Jean-Jacques de Felice nous a quitté â¦.
LâUSTKE tient tout dâabord a exprimer sa solidarité et ses très sincères condoléances sa famille, ses amis et toutes celles et ceux qui auront partagé son combat.
Ici en Kanaky nous saluons toujours la mémoire de ceux que nous appelons respectueusement nos vieux. Jean-Jacques de Felice fait partie de ceux la. Nous lui devons le respect et lâhumilité quâil convient dâavoir devant cet avocat, ce grand homme qui tout au long de sa vie aura lutté pour la dignité humaine.
Maitre de Felice a su , malgré parfois des opinions publics hostiles, défendre la cause de ceux pour qui dâautres nâavaient pas le courage de plaider.
Ce grand homme avait une conception de la justice qui avait largement dépassé lâenceinte des tribunaux Français. Pour lui la justice nâétait pas quâune affaire de tribunal mais avant tout la conception dâun humanisme avec un grand H.
Câétait un avocat animé par la soif de justice pour tous.
Plus quâun métier câétait pour lui une question de conviction, dâengagement personnel au service des autres et notamment de ceux qui souffraient dans leur chair, leur dignité, qui souffraient de ne pas être reconnu en tant quâindividu ou peuple différents.
Câest ainsi quâil aura su défendre et porter la lutte du peuple Kanak pour son émancipation. Ce combat qui est le nôtre, il a su, lui qui nâétait pas dâici le faire valoir y compris au niveau de lâEtat Français. Le peuple Kanak ne peut rester indifférent son départ.
Maitre, nous ignorons quelle était votre conception de lâau-del mais si vous nous entendez, nous vous prions dâaccepter nos remerciements pour tout ce que vous avez fait pour nous et les autres sur cette terre. Nous nous inclinons avec respect et humilité devant vous et comme nous avons coutume de le dire dans ces circonstances, nous nous faisons tout petit devant lâhomme, le vieux qui nous aura tant apporté.
Cher Maitre, cher Jean-Jacques de Felice, lâUSTKE ne vous oubliera pas.
Le grand militant que vous étiez devra rester pour nous un exemple.
Le Président de lâUSTKE
Gérard JODAR
Hommage Jean Jacques de Félice
Tribunal Correctionnel de Millau le 2 Juillet 1976. Jean Jacques de Félice défend un groupe de Paysans du Larzac poursuivis en flagrant délit pour avoir pénétré dans le Camp Militaire et avoir « emprunté » les documents quâils cherchaient. Ils ont trouvé les preuves que lâArmée, tout en faisant mine de négocier, rachète en secret les fermes de gros propriétaires fonciers spéculateurs, pour pouvoir agrandir le camp militaire dont les Paysans bloquent depuis 4 ans lâextension par des actions non violentes inspirées de Gandhi et de Lanza del vasto. Il y a parmi le groupe des prévenus un certain José Bové. Jâai 25 ans, jeune avocat, je suis venu de Montpellier écouter plaider Jean Jacques de Félice. Il a presque le double de mon âge. Nous ne nous quitterons plus.
Je découvre ce jour l que lâon peut exercer notre profession en cohérence avec ses convictions, que lâon peut vivre notre profession comme un engagement au service des droits de lâHomme, concrets et effectifs. Jean Jacques mâengage dans la défense des Paysans du Larzac, comme il mâengagera plus tard dans celle des indépendantistes polynésiens, puis des kanaks en Nouvelle Calédonie.
Nourris la même culture protestante du service et de lâengagement, il mâenseignera jusquâau bout la simplicité, lâhumilité mais aussi lâintransigeance dans le combat lorsquâon sait la cause juste, lorsquâil sâagit de défendre les faibles contre les puissants.
Nous nous retrouverons ensemble défendre les objecteurs de conscience, José Bové et ses compagnons « démonteurs » du Mac Do de Millau, les désobéissants civils et lorsque jâai commencé intervenir devant les juridictions pénales Internationales jâai toujours partagé avec Jean Jacques cette aventure judiciaire et humaine bouleversante. Je lâavais appelé il y a quelques semaines pour lui demander conseil dans la défense du premier Khmer Rouge poursuivi devant le Tribunal Spécial au Cambodge. Comment retrouver lâHomme au-del du crime terrible dont on lâaccuse ? Nous devions nous voir prochainement pour en parler. Jean Jacques est parti avant. Il sâamusait de ce que je le considérais comme mon Maître, mon père spirituel. Mais aujourdâhui nous sommes nombreux nous sentir orphelins, proches, si proches de Irène Terrel et Claire leur fille.
Jean Jacques nâétait pas un homme des médias. Son regard, sa voix portaient trop loin pour être enfermés en une formule de 15 secondes pour le JT ! Son regard embrassait le Causse du Larzac où il aimait tant retrouver ses amis. Sa voix savait aussi faire silence ⦠comme cette plaidoirie quâil commença⦠en se taisant pendant de longues minutes sous le regard incrédule du Tribunal. « Je voulais vous faire comprendre le silence dans lequel est enfermé mon client dans sa prison⦠Câest long nâest-ce pas ? » Et encore sâadressant aux jurés de la Cour dâAssises de Tahiti dans lâaffaire de lâIle de Faïté (30 accusés suite un délire mystique ayant entrainé la mort par exorcisme de 6 personnes ) : « je vous ai regardé⦠les regarder, ces accusés qui sont aussi vos frères, vos enfants de Polynésie⦠» Une autre fois il plaidait en leur présentant un coquillage et dissertait sur les hommes du grand Océan du Pacifique.
Jean Jacques était un poète humaniste, intransigeant, en état permanent de légitime révolte contre lâinjustice, notamment coloniale. Ne se laissant jamais enfermer dans le dossier pénal, Jean Jacques lisait livre ouvert dans le cÅur, lâhistoire, les révoltes de ceux quâil défendait.
Voil , Jean Jacques nous quitte et fait mentir le dicton selon lequel lâélève doit un jour dépasser le Maître. On ne peut se hisser la hauteur dâun Avocat humaniste comme Jean Jacques de Félice. On ne peut que tenter de mettre ses pas dans les siens, pour sâapprocher de soi même. « Esprit qui les fit vivre / Anime leurs enfants/ Pour quâils sachent les suivre » chantent les Cévenols en hommage aux révoltés Camisardsâ¦
A Dieu Jean Jacques. Repose en Paix. La terre des Cévennes, du Larzac, de Polynésie, de Kanaky, te pleure et te chante la fois.
Au moment de ton départ je serai en prison en Afrique, debout aux côtés dâun détenu, l où tu mâa appris quâest la place de lâAvocat. Câest lâhommage que je te dois. Merci.
Arusha TPIR le 29 Juillet 2008
François ROUX Avocat. Montpellier
Chères toutes et chers tous
Nous venons d'apprendre la mort de notre ami Jean-Jacques de Félice. C'est un ami et camarade de toujours que nous perdons aujourd'hui qui a su s'engager dans de nombreuses causes, dont celle du peuple kanak qui lui tenait particulièrement cÅur.
Il était d'ailleurs depuis plus de vingt ans président de notre association, l'AISDPK (Association information et soutien aux droits du peuple kanak).
Nous nous associons la peine de sa famille et de tous ses camarades.
Une cérémonie d'hommage aura lieu jeudi 31 juillet 14 heures au crématorium du Père Lachaise.
Pour le bureau de l'AISDPK:
Isabelle Leblic et Mehdi Lallaoui