Vingt-trois militants de lâUSTKE, la première organisation syndicale en Nouvelle-Calédonie, condamnés lundi des peines de prison ferme pour des violences provoquées la mi-janvier par la destruction au bulldozer dâun piquet de grève, lors du conflit social toujours en cours chez Carsud, une filiale de Veolia, Nouméa. Parmi eux, un dirigeant de premier plan, absent des lieux lors des affrontements avec les policiers qui tiraient des Flash-Ball et des grenades lacrymogènes hauteur dâhomme : Gérard Jodar, le président du syndicat, condamné comme « instigateur » pour « incitation attroupement armé » un an de prison, dont six mois avec sursis.
Malencontreuse cerise sur ce gâteau : ces condamnations interviennent vingt ans, jour pour jour, après lâassaut, le 22 avril 1988, de la grotte dâOuvéa. « La mémoire est très vive l -bas, avertit Corinne Perron, porte-parole de lâUSTKE en France. Dans ce contexte, les tensions sociales provoquées par les forces de lâordre, lâÃtat français et de nombreux patrons peuvent mener des violences que nous ne souhaitons pas. » Lundi soir, la Bourse du travail de Paris, un meeting contre la criminalisation des syndicalistes de lâUSTKE a rassemblé 400 personnes. Au-del des expressions de solidarité émanant de Solidaires (« On veut mettre des syndicalistes en prison, câest élémentaire pour nous dâêtre leurs côtés », lance Annick Coupé), des collectifs antilibéraux (« Sarkozy prétend vouloir un syndicalisme fort, mais, l , on a un syndicat majoritaire, capable de mobilisation considérable, et ce quâon met en pratique, câest la provocation et la répression antisyndicale », rappelle Yves Salesse), de la LCR (« Le jour où toute la classe politique se rassemble pour célébrer la mémoire dâAimé Césaire, le gouvernement inflige ces peines de prison », fait observer Olivier Besancenot), du Syndicat des travailleurs corses (« Le peuple kanak est victime dâune double oppression, celle du capitalisme et celle du colonialisme », accuse Alain Mosconi, qui risque jusquâ trente ans de prison pour la « réquisition » du navire Pascal-Paoli lors du conflit la SNCM), des Verts, de la CNT, du MIB et du collectif Bellaciao, plusieurs compagnons de route des luttes sociales et politiques kanak ont livré de précieux témoignages sur la situation sur le « Caillou » : luttes sociales chez Veolia, « recolonisation » qui ne dit pas son nom avec les arrivées massives de métropolitains, omniprésences des multinationales exploitant les ressources minières, constitution dâun nouveau parti - le Parti travailliste -, avec le concours de lâUSTKE, afin dâoffrir un nouveau débouché politique aux indépendantistes, « maintenant que le FLNKS a mis les deux pieds dans les institutions », selon Raphaël Mapou, membre du Sénat coutumier et animateur des luttes autochtones au sein du comité Rhéébu Nùù, processus qui devait conduire vers lâautodétermination et lâindépendance au point mort.
« Dans ces circonstances, aux yeux de la puissance coloniale et du patronat local, le syndicat gêne énormément, considère Jacky Fourau, un syndicaliste de la fédération CGT de lâénergie qui, depuis vingt-cinq ans, accompagne et soutient lâUSTKE au nom de la confédération. Câest un empêcheur de faire du fric en rond et, je veux le dire sans froisser personne, par rapport au FLNKS aujourdâhui, câest un empêcheur de somnoler. Il y a depuis longtemps une violence verbale et physique contre les Kanak, mais depuis lâélection de Sarkozy, fêtée dans les commissariats, la droite coloniale est décomplexée. » Présent Nouméa lors du procès, José Bové se déclare « guère étonné par le verdict » : « Quand on entend un président de tribunal expliquer des syndicalistes quâils doivent mettre en place des formations plutôt que de faire des piquets de grève, la vérité, câest que lâÃtat français et la droite colonialiste ne respectent pas les accords passés depuis 1988. On sait quâil nây aura pas de transfert de compétences : le processus, câest pour enfermer la Kanaky dans le système colonial. Or lâUSTKE est la force sociale qui mène ce combat. Câest pour cela que tout le monde veut lâabattre. »
Thomas Lemahieu
http://www.humanite.fr/2008-04-23_Politique_Solidarite-avec-les-syndicalistes-kanak