jeudi 18 avril 2024

A Actualité syndicale

Pas de consensus sur la revendication légitime d'inscription des kanak sur la liste référendaire

Réunis en conférence de presse hier matin*, les membres du Rassemblement des Indépendantistes et Nationalistes (R.I.N.) ont réagi sur le relevé de conclusions du dernier Comité des signataires qui s’est tenu à Paris en début de semaine. Positions. 

  • Les responsables du R.I.N. ont tenu à remercier les plus de 5000 personnes qui ont osé braver le bitume entre le Mwa Ka et le Haussariat le 26 octobre dernier dans les rues de Nouméa.
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  • En ouverture de la conférence de presse, Sylvain Pabouty rappelle la revendication du R.I.N. : « l’inscription automatique des kanak et sans condition sur la liste référendaire, la marche du 26 octobre » qui a rassemblé entre 5 à 6 000 personnes dans les rues Nouméa, et «  le contexte avec les prises de positions des uns et des autres » sur ce sujet.  « On espérait qu’ils examinent notre revendication et se positionnent là-dessus », ajoute-t-il. Ce souhait a été entendu à Paris puisque le sujet a été largement débattu entre les politiques.
  • Un sujet occupant le centre des discussions mais sans consensus …
  • « On constate qu’il n’y a pas eu de consensus », soulève le chef de fil de la DUS. Au vu du relevé de conclusion, le R.I.N. prend acte qu’il n’y a pas eu de consensus sur la revendication légitime d’inscription des kanak sur la LESC (Liste électorale spéciale de consultation) sans condition et que les positions des uns et des autres sont demeurées figées confirmant ainsi la négation du fait colonial. On les renvoie à d’autres « études ou expertises d’ordre juridiques », affirme-t-il. « Est-il possible de modifier la constitution ou la loi organique et à quel moment ? », se demande Sylvain Pabouty. Peut-être en 2017, et certainement après les élections présidentielles ? Mais en tous les cas, il faudra trancher sur cette question à une date ultérieure, comme pour « le litige électoral » concernant les listes provinciales ; les études en cours concernant le nombre de personnes de statut coutumier non inscrits sur la LESC seront finalisées et des expertises seront menées.
  • La confirmation du déni du fait colonial
  • « Que ce soit avec la démarche volontaire d’inscription sur les listes électorales ou l’inscription automatique de tous les natifs sans condition, la droite coloniale avec la bénédiction de l’Etat français considère que les kanak ne constitue qu’une communauté parmi tant d’autres vivant en Nouvelle-Calédonie. »
  • C’est un non-respect de la résolution de l’ONU
  • La mouvance indépendantiste et nationaliste s’appuie sur le « point 2 de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1960, « Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel. »
  • C’est un déni du préambule de l’ADN
  • Un coup de pied à la droite coloniale mais aussi à la France, « soit disant leur neutralité » affirment les représentants du R.I.N. « Dans le point 2 de l’Accord de Nouméa ADN). La colonisation de la Nouvelle-Calédonie s’est inscrite dans un vaste mouvement historique où les pays d’Europe ont imposé leur domination au reste du monde ». Concernant la reconnaissance de la souveraineté indiquée dans le préambule de l’ADN : « La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun. »
  • Le 7 novembre, une date précipitée …
  • « Manifestement, la date du 7 novembre ne permettait pas d’aborder la problématique avec tous les éléments nécessaires ». Des questionnements légitimes se posent. « Combien y’a-t-il de kanak dans ce pays ? Combien de kanak de statut coutumier ? Combien ne sont pas sur la liste référendaire ? Combien de kanak de droit commun ? Combien de ceux-là ne sont pas inscrits sur la liste référendaire ? Combien y’a-t-il de natifs de toutes ethnies ? », cette dernière question interroge les représentants du R.I.N, « il y a cette proposition de Calédonie Ensemble venant du député de la colonie », celui qui a parlé du chiffre de 25 000 en le qualifiant de clownesque.  « Combien y’a-t-il de personnes de statut civil de droit particulier, non kanak ? Sont-ils traités de la même manière que les statuts de droit coutumier ? » Il y a matière à discussion, selon les indépendantistes et nationalistes.
  • 13 410 va tendre vers les 25 000 annoncés
  • Ils prennent acte du chiffre de «  13 410 personnes de ce statut qui ne sont pas inscrites sur la liste électorale générale » qui confirme la problématique soulevée relative au nombre colossal de kanak qui ne seraient pas concernés par le droit à l’autodétermination. « 13 000, ce n’est pas 2000 », comme l’ont dit certains. « C’est quand même beaucoup, si on s’arrêtait à ce chiffre de 13 000 ».  Ce chiffre n’étant pas définitif, il va se rapprocher des 25 000 annoncés », soutiennent-ils. Ils attendent patiemment le résultat définitif de ce travail fait par la direction de la gestion et de la règlementation des affaires coutumière (DGRAC).
  • Les perspectives pour le R.I.N.
  • En cette période de fin d’année et d’organisation des congrès, les partis indépendantistes doivent prendre une position sur « l’automaticité des inscriptions des kanak sur la liste  référendaire », et le rendre public, mais aussi le communiquer aux milliers de manifestants du 26 octobre dernier. L’Union Calédonienne, le Palika, l’UPM tiennent en ce moment même leurs congrès. Le Parti Travailliste, les 17 et 18 novembre à La Foa. Le Rassemblement Démocratique Océanien, le 26 novembre et la Dynamik Unitaire Sud se réunira le 17 décembre prochain en Coordination Générale. Egalement, ils les interpellent sur le fait d’avoir « une échéance précise sur la finalisation des études en cours et des expertises juridiques avant la fin de l’année ». « Comment peut-on participer à des échéances nationales françaises quand on appelle à l’indépendance en 2018 », un appel du pied aux partis frères indépendantistes. Le R.I.N. réitère son avis, « il faut qu’ils nous donnent une position claire ».  « La venue de la ministre des colonies » en décembre prochain sera peut-être une occasion de manifester leur mécontentement.
  • Très remonté contre …
  • Christian Tein, responsable de l’Union Calédonienne de la région Sud, visiblement très remonté, « ce dossier là, il va falloir qu’on le règle définitivement ! », jusqu’à l’invective contre les représentants du Haussariat, « on ne veut plus parler avec eux de ce dossier», traité depuis 30 ans, et aussi contre les ténors des partis indépendantistes, « Hnéko Hnépeune, Daniel Goa, Paul Néaoutyine, Victor Tutugoro », ou sinon «  le référendum de 2018, il va falloir que l’on mette un point d’interrogation dessus ! ». Les élus socialistes en France en prennent aussi pour leurs grades, « il faut qu’ils donnent un sens réel à leur mandat ! La sérénité et la paix reposeront sur la prise en compte des kanak dans ce pays ! », a-t-il martelé.
  • Mobilisé depuis février 2015
  • Le R.I.N. s’est mis en marche depuis février 2015. « Avant les élections de 2014, la commission politique et citoyenneté avait dénoncé les fraudes », soutient Yvon Faua de l’Union Calédonienne, « on avait fait un sitting devant le Haussariat, on était entre 50 et 100 personnes », ajoute-t-il. Une demande à l’Etat, celle de  respecter son engagement, « aujourd’hui Valls, il est le commandeur, c’est le grand chef. Il a succédé à  Jean-Marc Ayrault. Il disait qu’il ne fallait pas léser les gens, faire radier … ». Conséquence pour la liste référendaire de 2018 : « qui est-ce qu’on lèse ? ». Toute cette situation se passe à Nouméa et dans sa grande agglomération. La liste référendaire établit en août 2016, « quel constat ? ». « On va trouver le moyen de faire en sorte que des kanak ne soient pas inscrits, c’est ce que nous appelons la manipulation de l’Etat », indique-t-il. « Il faut que les uns et les autres soient honnêtes et sincères », répète-t-il. Le XIVème Comité des signataires avait modifié la loi organique. Pourquoi ? « Suite à une manifestation de ceux qu’ils veulent rester français ». Ils les ont inscrits comme des natifs. « On a juste mis cette condition : des centres et des intérêts matériels moraux », soulève-t-il. Cette modification faite l’année dernière va être reconduite et, soulève la colère des indépendantistes et nationalistes à ce sujet. «  Mais de qui se moque-t-on ? ». « C'est-à-dire que l’on va mettre au même niveau les enfants kanak et les enfants de tous les fonctionnaires métropolitains  ou cadres qui sont venus depuis ces dizaines d’années ! », révolté par cette situation, Yvon Faua tempeste, « des générations entières qui sont venues ! Et ça à deux ans du référendum ! ».
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  • Olga Nassele (à gauche) et Madeleine Ounou (à droite), ces deux militantes suivent de près le dossier brûlant du corps électoral de 2018. 
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  • 13 410, un chiffre facultatif
  • « On retient le chiffre 13 410 car le travail n’est pas totalement fini », souligne Olga Nassele, militante, membre du groupe des  indépendantistes et nationalistes. « Les recoupages qui restent à faire, ça ne peut que donner un résultat évolutif ». Puisque ce chiffre indique le nombre de personnes de statut civil coutumier qui ne sont pas présentes sur la liste générale. « Or, on a pris comme base de travail la liste générale pour être sur la liste référendaire, c’est aussi des gens de statut civil coutumier qui ne seront pas sur la liste référendaire ! » Un nouveau recoupage à faire pour ceux qui ont perdu leur statut civil coutumier, selon la militante. « C’est vrai que je ne suis pas signataire de l’Accord de Nouméa (ADN) mais je vais répondre à Mr Victor Tutugoro. Si je l’ai été, je l’ai été par l’intermédiaire des gens qui me représentent. Par contre, je connais l’origine de cet accord. Je doute que les 19 qui sont couchés là-bas à Iaaï, ont voulu que le tiers de la population kanak ne soit pas représenté au référendum ! Je doute que cela soit inscrit dans l’esprit de l’ADN ! Je doute aussi que l’on passe l’éponge sur les fraudes électorales et aboutir au politiquement clos ! Je doute de l’esprit de la sincérité de l’ADN ! », insiste-t-elle. « C’est inadmissible de traiter l’ensemble de la population kanak comme les autres communautés dans ce pays pour leur droit à l’autodétermination », s’insurge Madeleine Ounou, militante de la DUS. « C’est de la fumisterie ! C’est se moquer du monde ! C’est scandaleux ! », en précisant que le chiffre annoncé par l’Etat : « on va pouvoir nous donner quelques chiffres … aussi bien de tous les natifs que de toutes les communautés et de la population Kanak ! Qu’est-ce que dit l’Etat ! Ils vont envoyer un message à toutes ces personnes identifiées étant absentes de la liste du référendum pour qu’ensuite ils viennent faire leurs démarches individuelles volontaires ! Mais on se moque du monde ! », regrette-t-elle. « Mais c’est vraiment méconnaître la situation sociale dans laquelle vive la population kanak ! … En 2009, le tribunal nous avait dit que 80 % de courriers leur revenaient ! On sait très bien que la population kanak vit dans les quartiers populaires, dans les tribus, dans des squattes où il n’y a pas de boîtes aux lettres non plus ! Qui va recevoir ce courrier », doute-t-elle aussi de la sincérité de l’Etat. Une fois de plus la sonnette d’alarme a été tirée lors de cette conférence de presse, rappelle Louis Kotra Uregei, président du Parti Travailliste, « les décideurs, les grands responsables politiques, les costumes-cravates, ils n’ont pas tenu compte de ces alertes ! Pourquoi ! Pour les non-indépendantistes, c’est parce qu’ils étaient dans la fraude… C’est la volonté de maintenir le pays sous la domination coloniale et tous les moyens sont bons ! Et notamment la fraude électorale ! Combien d’élections ont été bipées par cette fraude électorale ! C’est grâce au travail de la commission politique et citoyenneté que j’ai eu l’occasion de saluer à maintes reprises.  Petit à petit, on a compris ce mécanisme-là ! On a compris comment cette fraude se passe ! On a inscrit des centaines, voire des milliers de gens frauduleusement. Et on refuse l’inscription automatique des kanak pour s’exprimer dans ce référendum d’autodétermination ! … Chaque kanak devrait être en mesure de pouvoir s’exprimer. Pour les autres, on a fait les concessions depuis Nainville-Les-Roches … Le R.I.N. a eu le courage de le dénoncer avec force ! ».
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  • (*) : jeudi 10 novembre 2016
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