Lâaaespérance du peuple bolivien
Lâaaélection comme président dâaaun Indien, pour la première fois dans un pays dâaaAmérique du Nord et du Sud, rappelle une de ces hontes qui sâaaattachent aux colonisations : la marginalisation et lâaaexclusion des pouvoirs des peuples indigènes dont lâaaesclavage avait commencé dans les mines dâaaargent de Potosi. Le succès dâaaEvo Morales témoigne du réveil politique de ces populations visible également ces dernières années au Mexique avec les zapatistes ou au Guatemala. « La haine et la xénophobie dont nous avons souffert historiquement va prendre fin », a-t-il promis à cette majorité si longtemps traitée comme mineure. Il ne sâaaagit cependant pas dâaaune revanche ethnique mais de la victoire des pauvres de Bolivie, de ceux que les compagnies multinationales et les élites locales ont exploités et écrasés depuis si longtemps.
Evo Morales qui sâaaétait affirmé comme le porte-parole des Indiens cultivateurs de coca qui permet de survivre hélas ! mieux que le maïs a fait de la nationalisation du gaz bolivien - le pays possède les deuxièmes réserves de son continent après le Venezuela - le coeur de son programme. Les ravages semés là -bas aussi par la mondialisation capitaliste, la perte de pouvoir dâaaachat, la misère dâaaun des pays les plus pauvres du continent ont fait naître un mouvement politique qui a surmonté les divisions et les manoeuvres des possédants.
Cette victoire dâaaun candidat de gauche nâaaest pas un accident en Amérique du Sud.
Au Venezuela, au Brésil, en Argentine, en Uruguay, en Ãaquateur, les forces progressistes lâaaont emporté malgré le gendarme états-unien qui continue à considérer la région comme son arrière-cour. Mais aujourdâaahui, même si lâaaenvie ne lui en manque pas la Maison-Blanche ne peut plus faire débarquer aussi facilement ses marines quand les multinationales en éprouvent le souhait, piloter des coups dâaaÃatat militaires depuis le bureau ovale et faire massacrer quelques dizaines voire quelques centaines de milliers de personnes impunément. Cependant, George W. Bush convoite toujours les hydrocarbures ici comme au Moyen-Orient, et il nâaaa renoncé à aucun coup fourré en dépit des scandales qui accompagnent sa présidence et de lâaahostilité de son peuple à sa politique guerrière.
Lâaaélection dâaaEvo Morales comme les autres succès électoraux de la gauche latino-américaine adviennent à la fin dâaaun long cycle de guerres civiles et de dictatures. Elles témoignent aussi dâaaun rapport des forces mondial qui ne se limite pas à lâaaescalade entre une superpuissance unique et des terroristes fanatiques. Arc-boutés sur leur credo ultralibéral, les dirigeants des grandes puissances ont fini par sâaaaccorder à lâaaOMC, paraphant un accord au minimum, sans faire disparaître leurs rivalités ni lâaaimpopularité de leurs choix.
Aujourdâaahui, il faut espérer pour le peuple bolivien quâaaEvo Morales réussisse. Mais notre pays ne peut pas se contenter dâaaune lettre de félicitations. Il doit sâaaengager afin que la Bolivie ne soit pas étranglée par les rétorsions de Washington ou des lobbys pétroliers et que les rêves dâaaindépendance ne soient pas fracassés. Lâaaaventure bolivienne, bien solitaire à lâaaépoque de Che Guevara, aura alors trouvé un bel épilogue.
Par Patrick Apel-Muller