Lâaaimagination nâaaétant pas ce qui fait défaut aux Européens une de leurs dernières trouvailles a été dâaaenvisager la création dâaaun fond spécial attaché à la Présidence palestinienne qui servirait au dépôt et au débit de liquidités.
A cet égard, la divergence entre les Etats-Unis et lâaaEurope est significative. Les premiers souhaitent la poursuite de lâaainjection de fonds aux Palestiniens à travers les « instances de la société civile », la seconde est plutôt encline à passer par des institutions étatiques. Une divergence qui relèverait du « culturel », la partie américaine, fidèle à son attachement supposé à la philosophie libérale, souhaiterait réduire au maximum lâaaintervention de lâaaEtat dans la vie publique ! En fait, les pires ennemis de cette philosophie sont ceux-là même qui la prêchent, nul nâaaayant plus tendance à exercer son contrôle sur le moindre détail de nâaaimporte quel domaine, à lâaaintérieur ou à lâaaextérieur de son propre territoire, que lâaaadministration états-unienne.
Lâaaattitude des Etats-Unis nâaaest-elle pas plutôt due à la détestation quâaails nourrissent à lâaaendroit du Fatah, qui nâaaest pas moindre que celle quâaails réservent au Hamas. La part prise par les administrations américaines successives a été décisive dans la mise en doute systématique des intentions du Fatah et de Yasser Arafat, alors à sa tête. Elles ont été de véritables complices des israéliens dans lâaaentreprise de propagation de théories telles que celle des « occasions manquées » et celle de « lâaainexistence dâaaun interlocuteur palestinien valable pour le processus de paix ». Entreprise qui a largement déterminé la situation politique palestinienne actuelle.
Rappelons que ces accusations ont été formulées pour la première fois par le président Bill Clinton lors des négociations de Camp David II Par la suite, elles ont été systématiquement reprises par les gouvernements israéliens pour préparer lâaaaccession dâaaAriel Sharon au pouvoir, la réoccupation de la Cisjordanie et la mise en place des conditions politiques et territoriales de lâaaenterrement des accords dâaaOslo et dâaaune solution définitive unilatérale, câaaest-à -dire une solution arbitraire et conforme aux seuls buts et intérêts israéliens.
Câaaest bien cette période qui prodigue ses fruits aujourdâaahui et que lâaaélection dâaaEhud Olmert et du parti Kadima doit pérenniser tout en en faisant porter la responsabilité aux ... Palestiniens : Nâaaont-ils pas opté pour le plus mauvais choix i Nâaaont-ils pas élu Hamas i
Si lâaaon répond à tout cela que nulle alternative nâaaa été concédée aux Palestiniens que le vote pour le Hamas était leur dernière tentative de résister à lâaaeffondrement total, un cri de colère à la face dâaaun monde qui nâaaa eu de cesse de les abandonner et de se liguer contre leurs aspirations et leurs revendications nationales que câaaest un ultime effort pour endiguer la désintégration interne représentée par le règne du chaos sécuritaire et de la corruption... Il sera rétorqué que les Palestiniens devraient être réalistes ! Ce terme signifie depuis quelques temps lâaaacceptation de la réalité telle quâaaelle se présente, de facon statique, dont lâaaobjet est la perpétuation du pouvoir de la puissance dominante, sans aucun droit de demander des comptes ou dâaaagir afin dâaay changer quoi que ce soit -ni a fortiori de sâaay opposer.
Lâaaattitude européenne actuelle à lâaaégard de la situation palestinienne ne présente pas moins de menaces que ce qui a été perpétré le long des années passées et continue à lâaaêtre par lâaaadministration états-unienne. La tendance à instaurer des rapports avec la présidence palestinienne, distincts de ceux entretenus avec le gouvernement, est une ingérence inacceptable dans les affaires internes palestiniennes et un mépris -qui risque de sérieusement les décrédibiliser- des principes démocratiques. Au-delà , cette tendance risque de favoriser et de renforcer la scission définitive au sein du pouvoir palestinien, sinon de la causer. Une véritable logique réaliste commanderait dâaaintégrer le Hamas -et les mouvements similaires- dans la sphère opérationnelle et responsable de lâaaaction politique palestinienne quâaail est urgent de définir et de construire. Cela dâaaautant que le Hamas ne fait pas partie de ces phénomènes politiques contingents et éphémères dont il est malaisé de connaître les motivations et de prévoir les réactions ; avec lesquels il est hautement hasardeux dâaaentretenir une quelconque relation.
Cette tendance à entretenir la scission mène à une impasse dont les conséquences prévisibles sont toutes néfastes autant que stériles. Lâaaune dâaaelles qui se murmure jusque parmi certaines forces palestiniennes projette de faire en sorte que la victoire électorale du Hamas soit rapidement mise entre parenthèses réduite à une incidence et effacée comme si elle ne fût jamais avenue. Elle pousserait les Palestiniens à faire un choix contraint entre renoncer au Hamas ou crever de faim et dâaaisolement et se retrouver en butte aux accusations dâaaêtre organiquement et constitutivement portés au terrorisme... Cela ne pourra en réalité que renforcer les orientations les plus extrêmes et les plus enclines au choix de la rupture vaine et nihiliste, en Palestine et plus généralement dans lâaaensemble des mondes arabe et islamique.
Encourager ou même tolérer cette pratique ne compromettrait pas seulement la maturation politique du Hamas et des mouvements semblables mais interdirait également la possibilité que soient réunies les bases dâaaune convergence nationale - indubitablement compliquée - entre forces aux orientations différentes qui pourraient apprendre à travailler ensemble en reconnaissant leurs limites en acceptant lâaaaltérité.
Favoriser cette issue à la situation actuelle compromettrait aussi le mûrissement de la crise au sein du Fatah et des forces de la gauche palestinienne. Tous ont besoin dâaaun questionnement global de leurs stratégies et de leurs éthiques politiques. Ce questionnement est aujourdâaahui une nécessité vitale, toute velléité de passer outre en choisissant de se plier aux injonctions de lâaaordre international ne peut mener à rien moins quâaaà une catastrophe aux multiples facettes : Accepter de la sorte le chantage fait aux Palestiniens signifierait la détérioration des conditions de leur vie quotidienne, toucherait à la notion même de Démocratie et à sa validité comme procédure politique fiable (du moins telle que appréhendée par la conscience collective que forge le vécu commun). Le chantage accepté altérerait la confiance dans la capacité dâaainitiative -entendu comme faculté dâaainnover mais aussi comme expérimentation, tâtonnement et parfois méprise, lorsquâaail est question de surmonter des difficultés autrement dit toujours.
Malgré les différences -considérables- qui distinguent la situation palestinienne telle que décrite de la situation irakienne, nous y voyons pourtant un trait commun. Il sâaaagit du degré de désinvolture et dâaaarrogance avec lequel il est porté atteinte à lâaaintégrité de chacune de ces deux réalités nationales dés lâaainstant que du sein de lâaaune ou de lâaaautre naît une évolution nâaaallant pas dans le sens des desiderata des puissances dominantes. Les Etats-Unis ont fondé leur occupation de lâaaIrak sur leur prétention à lancer une initiative politique exemplaire et sans précédent, non seulement en Irak mais dans lâaaensemble du "Grand Moyen Orient" quâaails appellent de leurs vÅaux. Le plan politique ainsi instauré par les américains sâaaest graduellement développé jusquâaaà aboutir récemment à lâaaadoption dâaaune Constitution permanente et à la tenue dâaaélections définitives. Mais il a suffi que les résultats de ces élections ne soient pas conformes à leurs attentes pour quâaail soit envisagé dâaaen suspendre les effets et de reprendre lâaaessai à son début. Sinon, et pour faire lâaaéconomie dâaaune remake du processus électoral, lâaaadministration américaine exige de corriger les résultats !
Le pire est sans doute le fait que le putsch auto-infligé à cette démocratie de facture américaine procède plus dâaaune sorte dâaaentêtement que dâaaenjeux effectifs. Les divergences qui opposent monsieur Al-Jaafari, candidat au poste de chef du gouvernement, au Président de la République monsieur Talibani sont certes importantes le statut de la ville de Kirkouk en est un exemple. Mais cette question, précisément, est loin de pouvoir être tranchée dans un avenir proche, de même que la question de lâaaEtat fédéral. Ce qui aujourdâaahui est en jeu est de déterminer qui, en Irak, a la haute main sur lâaaévolution des chose. Le limogeage de M. Al-Jaafari et lâaaannulation de sa désignation deviennent de ce fait un but en soi mettant les points sur les i quand à qui décide en dernière instance en Irak.
Ainsi, les Etats-Unis montrent quâaails peuvent à tout moment reprendre dâaaune main ce quâaails ont donné de lâaaautre. Or, une telle politique ne peut perdurer quâaaen approfondissant en Irak la division, la désintégration et le conflit civil.
Drôle de démocratie que celle-là ! Non seulement putschiste et autoritaire mais aussi sanguinaire !
Nahla Chahal
9 avril 2006 - Al Hayat