Lâaaannée 2007 coïncidait à un jour près avec le Grand Eïd des Musulmans celui qui fête Ibrahim ( ou Abraham, câaaest le même personnage !), le premier monothéiste, symbolisé par le sacrifice auquel il était prêt, celui de son fils et symbolisant du même coup la miséricorde, Dieu ayant substitué un mouton au fils. La communauté des deux fêtes du nouvel an et du Grand Eïd, était accueillie avec joie dans cette partie du monde quâaaest le Moyen -Orient, meurtri par les guerres et les tensions foyer promis du « choc des civilisations », troisième guerre mondiale, cette fois généralisée et popularisée.
Il fallait que lâaaadministration américaine sâaaen mêle. Concurrencant avec les coïncidences du calendrier temporel, et avec Ibrahim et Dieu à la fois elle a voulu gâter lâaaoccasion, comme sâaail ne lui suffisait pas tout ce quâaaelle commet déjà . Elle a décidé lâaaexécution de Saddam Hussein à lâaaaube du jour sacré, au moment même où les mouâaaazzins lancent leur voix dans cette prière unique du Eïd, rythmée et mélodieuse, qui sort de lâaahabituel appel à la prière pour nâaainvoquer que Dieu. Le rituel du sacrifice du mouton allait commencer.
Cet acte est ressenti dans lâaaensemble du monde arabe comme une humiliation calculée. Non que Saddam ait une quelconque popularité, tout le monde sâaaaccorde à reconnaître que son régime a été dictatorial et sanguinaire. Mais son jugement devait revenir au peuple irakien, aurait dû être un facteur de consolidation de leur unité, et surtout de la prise de conscience commune de leur histoire. Le procès de Saddam aurait dû être celui du régime. Ce nâaaest pas la force occupante ni ses pantins qui pouvaient y procéder. Lâaaobscénité était déjà énorme. Mettons de côté la discussion sur la peine de mort, elle est dans le contexte actuel secondaire.
Il nâaay a aucune nécessité qui justifie cette précipitation, ni celle de lâaaexécution elle-même, ni celle de sa date. Sauf que lâaaadministration américaine a décidé de tout utiliser, absolument tout, pour réaliser un double objectif :
- celui de lâaahumiliation répétée des populations de cette région, du viol systématique de tous leurs repères dâaaunité et de dignité, de conscience de soi, comme de leurs petites et grandes joies. Câaaest un procédé dâaaavilissement planifié et réfléchi.
- et celui de semer encore plus la discorde, la division, tout ce qui interpelle les intuitions de haine et de vengeance, constituant ainsi le lit tranquille et sûr du chaos. Lâaaexécution de Saddam a été travestie en acte de vengeance, car le tribunal fantoche sâaaest contenté de deux dossiers pour prononcer la peine de mort, celui des « Anfales », massacre commis à lâaaencontre dâaaune population kurde, et celui de « Dujail », massacre commis à lâaaencontre dâaaune population chiite. Ainsi la sentence a visé à raviver la dimension de vendetta tribale, au moment même où lâaaIrak est secoué par des actes barbares réciproques des liquidations collectives « sur lâaaidentité », des voitures piégées dans les souks et devant les mosquées des uns et des autres dâaaépuration communautaire de régions entières Les guerres civiles ne se mettent jamais en place de facon spontanée, elles se construisent. Câaaest ce à quoi sâaaadonne lâaaoccupation américaine de lâaaIrak, depuis le premier jour, rendant du coup sa présence « indispensable », se métamorphosant en arbitre dâaaun jeu quâaaelle a elle-même créée.
Plusieurs facteurs contribuent à lâaaexpansion de la tension communautaire entre chiites et sunnites dans lâaaensemble de la région : La rivalité multiple entre lâaaIran et les pays du Golfe et notamment lâaaArabie Saoudite, le fiasco des régimes qui servent la stratégie américaine ou / et qui nâaaont plus de raison dâaaêtre, de discours légitimant autre que celui de lâaaattisement de cette tension, les frustrations liées à lâaaeffondrement du projet national et de développement, et à lâaaabsence dâaaune vision pour sa reprise et dâaahorizon pour lâaaespoir, la misère généralisée...La situation irakienne concrétise dâaaune facon tragique et dense ce paysage. Elle est devenue son foyer, manipulé à des fins locales et régionales qui sâaaentremêlent de plus en plus et de facon inextricable. Ainsi en est-il de lâaaexécution de Saddam à lâaaaube du Grand Eïd, de la projection de la scène filmée jusquâaaau dernier détail, et de celle de groupes dâaaIrakiens célébrant cette mise à mort dans la joie, au petit matin. Dans le raffinement du genre, le grand ayatollah Ali Sistani, référence shiite suprême en Irak, qui cultive des liens rapprochées avec lâaaoccupant, avait décidé de décaler dâaaune journée le Grand Eïd !! du jamais vu dans lâaahistoire, cette date est fixée dâaaavance et rythmée par le rituel du pèlerinage.
Il nâaay a que lâaaesprit de résistance qui peut faire face à cet état des choses qui préserve de succomber à la facilité dâaaune lecture au premier degré, qui fait le lien entre ces phénomènes qui ont lâaaair de se dérouler dans une région précise et dâaaappartenir à une soi-disant « spécificité », et la situation globale. Car elle est déjà avancée la machinerie qui vise à tout aplatir, à désintéresser de tout, à répandre la débilisation générale, à sâaaaccoutumer aux horreurs et à perdre la capacité à lâaaindignation. Il suffit dâaaassister au journal télévisé des chaînes francaises : affligeant de superficialité, dâaainsinuations malsaines et interprétatives selon les idées les plus primaires dâaaexploitation du sensationnel et dâaaoccultation de tout le reste, de mise sur le même niveau de la poule volée dans un bled perdu de la France profonde et des plus grands événements internationaux, quand la poule volée ne passe pas avant !
Entre-temps se déroulent les pires choses celles quâaaon nâaaaurait même pas envisagé dans les pronostics les plus pessimistes. Des exemples i La poursuite des vols réguliers des avions de la CIA dans lâaaespace aérien des pays européens via les aéroports européens transportant les « présumés » terroristes vers Guantanamo. Ces vols avaient commencés depuis longtemps et le dévoilement de leur existence nâaaa ému que certains illuminés des êtres bizarres des anti-américains primaires des voix minoritaires dâaaONG des droits de lâaahomme et dâaaâmes sensibles. De toute facon, désormais la nouvelle loi américaine, votée le 28 septembre 2006 par les deux chambres républicains et démocrates confondus autorise la détention illimité et sans aucune procédure de tout « étranger » soupconné dâaaavoir des « intentions » terroristes. Ce nâaaest plus les actes qui jugent, la présomption dâaainnocence nâaaexiste plus. Enfin lâaauniversalité du droit est balayée dâaaun revers de main, puisque cette nouvelle loi ne sâaaapplique quâaaaux étrangers. Etrangers par rapport à qui i une nouvelle nationalité semble émerger, qui regrouperait une infime petite élite du Bien face à la masse barbare, pauvre, retournée à lâaaâge de pierre, celle du Mal.
Lâaaâge de pierre i ce nâaaest pas que les pays éventrés par les bombardements ( américains ou israéliens ou soutenus par eux). Les dernières années ont vu lâaaextension du concept : est homme des cavernes celui qui défend le droit au travail dans des conditions décentes le droit à la santé et à lâaaéducation pour tous celui qui sâaaoppose au flicage de la vie publique et privée grâce aux technologies de pointe, celui qui sâaaoppose aux cultures transgéniques celui qui croit que lâaaHomme et sa vie ne sont pas des marchandises que lâaaéconomie virtuelle mène aux désastres que la couche dâaaozone est perforée, que le réchauffement climatique menace la terre, que la pauvreté et la guerre ne sont pas des fatalités mais les fruits dâaaune certaine organisation sociale, protégée par les pouvoirs en place. Lâaaest lâaaincrédule qui ne succombe pas aux peurs formatées celui qui croit à des idéaux, à des valeurs humaines celui qui rêve de belles choses... les Résistants quoi ! A ceux-là : Bonne année 2007.
Nahla Chahal (coordinatrice CCIPPP)