Le 2 janvier 2015, Marie-Noelle Tein est partie à la retraite. Entre joie et plénitude de retrouver ses siens surtout ses petits enfants dans l’une des plus grandes tribus de la province Sud, à Saint-Louis au lieu dit les « 4 cocotiers ». A 55 ans, elle savoure depuis peu le fait d’être à la maison, mais ce n’est pas de tout repos car un nouvel emploi du temps l’attend. S’occuper principalement du petit dernier qui a à peine 13 mois. Son jardin où elle cultive ses tubercules, ses ignames, ses maniocs, et c’est sans compter aussi l’attention qu’elle porte à ses plantes tropicales. Marie-Noelle Tein a travaillé pas moins de 35 ans comme aide soignante dans le service « viscérale aseptique» au Centre Hospitalier Gaston Bourret.
Le temps de l’installation
Aide-soignante au CHT depuis 1981, date à laquelle elle officie dans le service de chirurgie viscérale. « Avant, nous étions dans un vieux bâtiment qui faisait face à la ville et depuis 2005, le service a déménagé vers le bâtiment de l’ORL, puis on a déménagé de nouveau vers les locaux qui font face à la SLN, dans les conteneurs », décrit-elle son lieu de travail avec un large sourire. Le service viscéral occupe définitivement son espace dès 2006 « On y est resté un an, le temps qu’ils finissent les travaux », précise-t-elle. « J’ai passé un concours à l’école d’infirmière en 1981 à Nouméa. L’école était à côté de l’immeuble des impôts, près de l’antenne de la province Nord actuellement. Elle était dans la rue Doumer », se souvient Marie-Noelle. « On était 11 candidats à passer ce concours. Il y en avait 5 qui étaient en formation professionnelle. Et finalement, on était 11 reçus. J’ai fait le « poste-opéré » qui faisait parti du service viscéral. A l’époque, il n’y avait pas de chambre de surveillance. C'est-à-dire qu’on avait tous les malades de l’hôpital sans la réa (réanimation) et le service de cardio (cardiologie) », se rappelant les moments où le travail abondait en perspective et où il fallait être polyvalent. « On faisait tout », lâche-t-elle.
L'an dernier, la section syndicale STKE du CHT a mené des actions. " 35 ans de fidèles et loyaux services au CHT et un peu moins pour l'Ustke ", a reconnu André Elocie sur l'engagement pris par Marie-Noelle vis-à-vis de son travail aussi bien professionnel que syndical.
Quatre mandats d’élu CAP
« C’est Dédé qui m’a mise là. J’étais la 1ère suppléante. Il y avait la tête de liste. C’est eux qui m’avaient choisis », ne sachant pas réellement pourquoi ses camarades de la section STKE du CHT avaient misé sur sa candidature. André Elocie, adhérent et militant de longue date de la section syndicale STKE de l’hôpital Gaston Bourret disait pouvoir compter sur des personnes ressources telle que Marie-Noelle, il était sûr que le travail confié serait accompli au nom du rééquilibrage à l’intérieur des services hospitaliers du pays. « Du coup, ils ont viré le titulaire parce qu’il ne venait pas aux réunions syndicales du mercredi. A cette réunion, on partageait les problèmes Et comme, le titulaire ne venait pas et il ne faisait pas les comptes-rendus des CAP. Ils m’ont désigné comme étant la titulaire aux élections de la CAP (Commission Administrative Paritaire). Ils l’ont appelé plusieurs fois et ils ont été le voir. Il disait oui, oui mais il n’est plus revenu », confie-t-elle.
« Ils m’ont balancé dans ce truc que je ne connaissais pas. Je suis allée à la 1ère CAP pour voir comment c’était, j’écoutais… A la 2ème, je suis allée consulter les dossiers. Quand je suis revenue, j’ai dit à Dédé, je ne suis pas faite pour ce poste là ! Il m’a dit : comment ça ! On te tend une perche et tu ne la saisis pas ! Il faut que tu restes ! C’était à l’encontre de ce que je voulais. Puis après je suis allée régulièrement », c’est à partir de cet échange avec son délégué syndical STKE que Marie-Noelle a occupé ce poste d’élue jusqu’à la fin de son service. « Quand Dédé disait, il y a un cyclone au Nord ou ailleurs, il faut participer ! A chaque fois, Dédé m’appelait, il y a ça à faire, il faut participer ! Donc, j’étais toujours là ! », se félicitant que la section syndicale a beaucoup œuvré dans les actions de solidarité lancées par notre Organisation.
Marie-Noelle (à gauche au 2ème rang) en compagnie d'une partie de la section syndicale STKE du CHT Gaston Bourret en juillet dernier.
La CAP. Comment est-elle régulée à l’année ?
« Avant, c’était tous les 3 mois. Et là depuis 2013, c’est tous les mois. On avait demandé l’an dernier à les regrouper car quelque fois on venait pour cinq dossiers. C’est Léon Angajoxue, 1er suppléant qui a pris ma relève. L’année dernière, on est allé ensemble voir les dossiers car il faut les consulter avant la commission. Il faut prendre rendez-vous pour les consulter. Pour ne pas que tous les syndicats arrivent tous en même temps quand il s’agit de les consulter. Quelques fois, ce n’était pas facile. Parce qu’on ça tombait durant les jours de travail. C'est-à-dire quand il y avait du boulot dans mon service, ce n’était pas évident. Donc, quand je savais que c’était des dossiers difficiles : le matin, je démarrai, je carburai et je me donnais un quart d’heure pour me rendre à la commission. J’allais à pied. Donc, je prévenais la cadre. Je faisais le maximum. Je me changeais et je partais à la commission. Et je revenais à pied pour rejoindre mon service. Quand les journées étaient plutôt calmes, la cadre me disait que ce n’était pas la peine de revenir. Quand il s’agissait des dossiers difficiles à traiter, je faisais en sorte de m’y rendre, de sortir du service. Quand on consultait un dossier, il fallait avoir l’avis de l’agent, du cadre ou l’avis de l’équipe. J’appelais les gens que je connaissais dans un service afin d’avoir un avis ». Dans ses commissions, les élus traitent des dossiers relatifs au conseil de discipline, à des licenciements. Pour les fonctionnaires, il y a le changement d’indice tous les deux ans, des promotions, des accidents de travail. Les élus siègent pour statuer sur ces dossiers. On traite également des changements d’échelons ou des cas de longue maladie.
Quand ils repartent chez eux, tu t’attaches à eux
Après réflexion Marie-Noelle cherche dans ses souvenirs mais très vite, elle parle de sa relation qu’elle a eue avec ses patients. Elle parle aussi à ses enfants des dégâts engendrés par le diabète. « Souvent, je leur parle du diabète par rapport au sucre dans l’alimentation. Il y a énormément de gens qui arrivent à l’hôpital suite à la détection du diabète. Personnellement, je m’attache aux malades. Quand ils arrivent, ils sont complets. Et quant tu les vois après les opérations. Ils n’ont plus d’orteil. Au début, on se disait les malades sont chiants et certains l’étaient. Et quand ils repartent chez eux, tu t’attaches à eux. »
« Juste avant que je parte. Je suis allée au dernier repas de service avec mes anciens collègues. Ils m’ont dit qu’un patient est décédé. C’était ma dernière semaine de travail. Je suis rentrée dans sa chambre, puis il m’a dit : « Punaise enfin quelqu’un que je connais, tu sors d’où ! ». C’était un patient d’origine caldoche, arabe. « Punaise, je ne connais personne ! Ça m’énerve ! » (Rire de Marie-Noelle), avait-il dit. Je lui ai dit : « Tu arrêtes de gueuler tout d’abord ! ». « Ah mais, ils ne connaissent rien tout ces gens là ! », avait-il dit. Il y a eu beaucoup de patients comme lui que tu n’oublies pas ». Ce n’est pas facile de supporter les gens qui sont amputés. Il faut leur laisser le temps de s’adapter. Les patients avaient du mal par rapport à l’amputation d’un des membres.
« Par exemple, les gens de Kouaoua qui sont envoyés sur Koumac. Je me battais pour éviter ça. Vous vous rendez compte si on envoie un malade originaire de Kouaoua à l’hôpital de Koumac, généralement sa famille n’a pas de pied à terre à Koumac. A chaque fois, j’étais sur ça. Je leur disais, on les garde un peu et après on voit avec la famille si elle peut le récupérer (le malade amputé). Je discutais avec la famille. Je leur disais, il ne faut pas les envoyer à Nouville car là-bas il y a le service pour les personnes âgées pour des séjours courts et moyens. », très soucieuse du devenir des malades à la sortie de l’hôpital. Quand elle a débuté, c’était mal vu de laisser les vieux kanak notamment seul à l’hôpital. « Ma tante, elle est décédée en 2012. Elle avait été amputée au niveau de la cuisse. Deux jours après, la cadre me dit qu’elle va faire les démarches pour Raoul Follereau. Je lui ai dit : « Non, tu me laisses le temps d’aménager chez moi. J’ai rappliqué mes frères et mes enfants chez moi. Allez, il faut faire ça et ceci ! … pour qu’elle puisse circuler sur une chaise roulante. La cadre m’a regardé et elle m’a dit : Comment tu vas faire ? Je lui ai dit : Je vais me débrouiller. Quand je travaillais, tout était à sa portée», se souvient-elle.
Toute la scolarité à la Mission de Saint-Louis
En pension durant toute sa scolarité à l’école primaire de la Mission de Saint-Louis (1966 à 1972), puis au collège de Marie-Reine Thabor (1973 à 1977). « On venait de l’Ile Ouen, on ne retournait sur l’île que durant la période des vacances ». On partait avec le père. Il avait une voiture. Il nous véhiculait jusqu’à Prony et là un bateau nous emmenait jusqu’à l’île Ouen. C’était dur, on ne voyait pas nos parents. On était tout petit ». Marie-Noelle est l’aînée de huit enfants. Sur les huit enfants, les six premiers ont suivi leur scolarité à la Mission de Saint-Louis sauf les deux derniers qui ont été à l’école primaire de l’île Ouen. Marie-Noelle est mère de deux enfants. L’aîné a 35 ans, le deuxième a 30 ans.
Les 4 cocotiers
« Quand les missionnaires sont arrivés à Saint-Paul, il y a eu une bagarre ici. De cet échange houleux, quatre personnes sont mortes et elles ont été enterrées.», d'où l'appellation du lieu-dit les « 4 cocotiers ». « Plus bas, le chemin menant vers la mer, c’est par cet endroit que les missionnaires sont arrivés. C’est à Saint-Paul. Tous nos vieux sont arrivés par cet endroit. Ils arrivaient par la mer, venant de Touho, de Poindimié etc… », cette histoire lui a été racontée par son père, le chef administratif de l’Ile Ouen, Emmanuel Tein, 80 ans. Aux « 4 cocotiers », une grande majorité de sa famille y vivent à présent mais durant les années 60-70 cette plaine était occupée par des chinois qui y cultivaient du riz, notamment. Les quatre quartiers de la tribu de Saint-Louis : Saint-Tarcisius, Saint-Thomas, Saint-Jean, Saint-Paul.