mercredi 17 janvier 2007, 0h02
Calédonie: le gel du corps électoral adopté à une large majorité au Sénat
Par Olivier LUCAZEAU
PARIS (AFP) - Les sénateurs ont adopté à une large majorité mardi soir le projet de loi constitutionnelle gelant le corps électoral néo-calédonien, ouvrant ainsi la voie à son adoption par le Congrès malgré un dernier baroud d'honneur de Simon Loueckhote, sénateur UMP du "caillou".
Le texte, qui gèle en 1998 le corps électoral en Nouvelle-Calédonie pour les élections provinciales a été adopté par 296 voix pour et 13 contre.
Le résultat ne faisait aucun doute, malgré la division de l'UMP, car PS PC, UDF et Verts s'étaient prononcés de facon quasi unanime en faveur du "oui".
Pour Francois Baroin, ministre de l'Outre-mer, l'argument était clair: "Le respect de la parole donnée par l'Etat" lors des accords de Matignon et de Nouméa de 1988 et 1998.
Rappelant "les événements tragiques qu'a connus le territoire entre 1984 et 1988", et la nécessité de préserver la paix civile, le ministre a insisté sur le fait que ces accords instauraient "dans la nationalité francaise une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie".
Or "la question de la définition du corps électoral est étroitement liée à celle de la citoyenneté calédonienne", a-t-il plaidé.
Pour les opposants au texte, dont plusieurs sénateurs UMP emmenés par Simon Loueckhote, le corps électoral néo-calédonien pour les élections provinciales doit certes être restreint. Mais le critère de 10 ans de résidence sur le "caillou" devrait être suffisant, sans la condition supplémentaire de s'être installé dans l'archipel avant 1998.
C'est cette notion de corps électoral "glissant" qui avait été retenue par le Conseil constitutionnel en 1999, lorsqu'il avait invalidé la loi organique de la même année qui avait, elle, retenu la notion de corps électoral "gelé".
"Le Kanak que je suis ne peut pas et ne veut pas exclure", a plaidé M. Loueckhote. Citant "les vieux", il a défendu "la philosophie d'inclusion" traditionnelle en Océanie.
Puis condamnant par avance "les messieurs Jourdain" qui allaient voter ce texte visant "à exclure définitivement une partie des résidents francais de la vie politique locale", le sénateur a dénoncé de facon à peine voilée les indépendantistes en parlant du "chantage à la violence" de certains.
Il a recu le soutien de Bruno Retailleau, élu MPF. Regrettant qu'on touche au principe "un citoyen, une voix" - "quasi-ADN de la Constitution" -, le sénateur de Vendée a accusé le texte "d'inoculer dans la loi fondamentale le virus du communautarisme".
Mais MM. Loueckhote et Retailleau étaient isolés.
Jean-Paul Virapoullé (La Réunion), défendant la position officielle de l'UMP, a regretté que certains veuillent aujourd'hui "introduire dans le fruit des accords de Matignon et de Nouméa le ver de la discorde et de la suspicion".
Dénoncant "les arrière-pensées de certains", Dominique Voynet (Verts), a rappelé que "la paix, c'est avec son adversaire qu'on la conclut".
Quant à Robert Laufoaulu (UMP, Wallis-et-Futuna), il a lui aussi appelé à faire "le pari de l'intelligence" et à voter "oui", "car ce choix est le bon pour la Nouvelle-Calédonie", en aidant à "la consolidation d'un processus fragile".
S'exprimant juste avant le vote, pour le "oui", le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon a estimé que ce texte faisait de "la Nouvelle-Calédonie un laboratoire de l'humanisme" et que le but était de "guérir la Nouvelle-Calédonie par la fraternité".
Voté par les députés le 13 décembre, ce texte doit maintenant être soumis au Parlement réuni en Congrès les 19 ou 26 février. Pour être définitivement intégré à l'article 77 de la Constitution, il devra alors réunir 3/5e des voix des députés et sénateurs.